La donation graduelle

La donation graduelle est avant tout une donation, c’est-à-dire un acte « par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d'une autre personne » de manière actuelle et irrévocable (c’est-à-dire sans possibilité de récupérer le bien ou droit donné).
Le donataire (ou bénéficiaire) doit l’accepter (art. 893 et 894 C. civ.).
Qu’est-ce qu’une donation graduelle ?
La donation graduelle est une libéralité qui est « grevée d’une charge comportant l'obligation pour le donataire de conserver les biens ou droits qui en sont l'objet et de les transmettre, à son décès, à un second gratifié, désigné dans l'acte » (art. 1048 C. civ.).
La donation graduelle présente plusieurs particularités :
- elle impose à celui qui reçoit le bien, appelé « le grevé », la double charge de le conserver et de le transmettre à un tiers à son décès ;
- elle fait intervenir une tierce personne, appelé le « second gratifié », qui aura vocation à recueillir le bien au décès du grevé (art. 1048 C. civ.).
Quelles sont les conditions nécessaires à la réalisation d’une donation graduelle ?
- La donation graduelle ne peut porter que sur des biens ou droits identifiables au jour de la donation (concrètement le donateur ne peut transmettre un bien dont il n’est pas encore propriétaire) et subsistant en nature au jour du décès du grevé (par opposition aux biens consomptibles qui se consomment par le premier usage, comme des denrées alimentaires) (art. 1049 C. civ.) ;
- le grevé doit consentir à recevoir le bien, le conserver et le transmettre à son décès au second gratifié (art. 894 C. civ.) ;
- le second bénéficiaire peut accepter la donation au jour où elle est consentie par le donateur au profit du grevé ou au décès de ce dernier (et donc au moment où le bien lui est transmis) (art. 1050 C. civ.) ;
- la donation graduelle peut-être « assortie de garanties et sûretés pour la bonne exécution de la charge » (art. 1052 C. civ.), telle une hypothèque sur le bien donné ou sur un des biens du grevé afin d’assurer la bonne réalisation de la charge qui pèse sur lui ;
- la charge ne peut concerner un troisième gratifié. Il n’est pas possible de prévoir que le second gratifié sera soumis à une obligation de conserver le bien et de le transmettre à une troisième personne (art. 1053 C. civ.).
Le premier gratifié peut-il vendre le bien sans accord du second gratifié ?
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Le bien transmis est un bien immobilier (terrain, appartement…)
La charge (c’est-à-dire l’obligation de conserver et de transmettre le bien ou droit donné) doit être publiée au service de la publicité foncière (art. 1049 alinéa 3 C. civ et art. 30, 1°, du décret du 4 janvier 1955). Ainsi, tout notaire pourra avoir accès à l’information et s’opposer ainsi à la vente.
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Le bien transmis est un bien meuble (argent, tableau…, )
Sans publication au fichier immobilier et sans obligation de réaliser la vente devant un notaire, le grevé pourrait se mettre en fraude de ses obligations par la mise en vente du bien donné. Dans ce cas, il engagerait sa responsabilité civile contractuelle.
Que se passe-t-il en cas de décès du premier ou du second gratifié ?
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Décès du grevé avant le second gratifié
La donation graduelle prévoit que le second gratifié devient propriétaire du bien donné au jour du décès du grevé (art. 1050 C. civ.).
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Décès du second gratifié avant le grevé
Soit la donation graduelle prévoit la désignation d’un autre second gratifié ou la transmission du bien aux héritiers du second gratifié, soit le bien fera partie intégrante de la succession du grevé (art. 1056 C. civ.).
Il en est de même si le second gratifié renonce au bénéfice de la donation.
Quelle est la fiscalité de la donation graduelle ?
Les droits de mutation à titre gratuit (ou droits de donation) obéissent à un régime spécifique :
- le grevé sera imposé en fonction de son lien de parenté avec le donateur (celui qui donne) sur la valeur du bien au jour de la donation ;
- le second gratifié sera imposé en fonction de son lien de parenté avec le donateur (art. 1051 C. civ) sur la valeur du bien au jour du décès du grevé. Les droits réglés par le grevé seront imputés sur les droits dus par le second gratifié (art. 784 C CGI).
Bon à savoir : il est également possible de prévoir par testament un legs graduel. Mais le légataire ayant toujours la faculté de renoncer au bénéfice du legs au décès du testateur, il est prudent de prévoir un légataire en second.
Source : Notaires de France "Sous réserve de modification de la législation en vigueur postérieurement à la date de rédaction de l'article."